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Médias numériques: Dominance du marché

L’environnement des médias au Maroc s’est caractérisé ces dernières années par l’émergence puis par la suprématie de la presse numérique arabophone sur l’ensemble des vecteurs classiques d’information, y compris la télévision et la radio, dont l’impact de masse, quoique toujours significatif, concerne davantage le divertissement.

Ce glissement progressif entamé avec l’arrivée des réseaux sociaux (principalement Facebook) et la démocratisation de la téléphonie mobile, devenues les puissants corollaires des sites d’information en ligne, s’est accompagné par une chute tendancielle de l’audience de la presse classique y compris la plus populaire.

Ce « grand remplacement » a pris  des proportions significatives depuis 2011 du fait d’une part de la disparition forcée de titres indépendants majeurs ayant, depuis l’avènement du siècle, façonné l’opinion publique marocaine et d’autre part l’arrivée sur le marché de nouveaux médias versés dans le sensationnalisme, le fake news et la propagande d’Etat.

Le basculement est intervenu à la suite du tour de vis sécuritaire entamé à la veille des Printemps arabes dans un contexte politique et social en ébullition et qui s’est étendu par la suite au nom de la sécurité nationale et de la stabilité sociale.

Prise en étau, la presse classique, plus au moins respectueuse des normes déontologiques et éthiques de la profession, a vite été perçue comme dépassée ne répondant plus aux aspirations d’un nouveau lectorat plus jeune et avide d’information instantanée, ludique sans forte exigence de qualité.

Par ailleurs, le pouvoir politique central a maintenu sa mainmise sur la télévision et a organisé le secteur de la radio en octroyant des licences à des individualités ou à des entités ayant toutes des connexions avec sa sphère d’influence. Ce qui a réduit au Maroc le rôle de ces médias de masse dans l’accès à l’information.

Mais pour contrôler le foisonnement de la presse en ligne qui a d’abord été investie par des journalistes professionnels ayant pris le maquis sur Internet après les pressions politiques et économiques (censure, harcèlement judiciaire, boycott publicitaire…) subies sur leurs journaux, la frange sécuritaire de l’Etat a elle-même encouragé la création de nouveaux médias pour occuper le terrain en friche et façonner une opinion publique de plus en plus adepte d’Internet.

Cette situation a donné lieu à l’arrivée massive de sites internet d’information dont les promoteurs sont liés au milieu du Renseignement et dont la mission première est de relayer massivement la propagande d’Etat, notamment sur les sujets à caractère politique et sécuritaire.

D’un autre côté, l’accessibilité facile et peu coûteuse à ce mode de transmission de l’information a permis tout autant à une nouvelle forme de journalisme citoyen contestataire de fleurir sur la Toile.

A la différence que l’action répressive de l’Etat qui avait permis d’éradiquer la presse indépendante classique à la fin des années 2000, s’est globalement maintenue contre cette seconde catégorie de nouveaux médias que ce soit par le biais d’une justice d’abattage que par des restrictions réglementaires (cartes de presse, sociétés d’édition etc.), tandis que ceux qui avaient été créés ou encouragés par divers moyens pour les contrer ont bénéficié de largesses de l’Administration et de ses officines (subventions et aides directes, publicité publique et privée, financement occulte etc.)

Résultat singulier au bout d’une dizaine d’années de transformation du champ médiatique : le haut du pavé du marché est occupé par une presse de qualité médiocre, muselée et orientée, agissant souvent hors cadre réglementaire mais subir de coercition. Celle-ci a instauré et enraciné la culture de l’infotainment, du fake news et de l’impunité pour ses promoteurs.

Enlisé dans ces conditions, le secteur de la presse a muté vers une logique de dépendance absolue vis-à-vis des centres de pouvoir et de ses acteurs. Ainsi, les nouveaux médias les plus impactants sont systématiquement cooptés et servent en très grande majorité les agendas de leurs chaperons (personnalités politiques et d’influence, services de renseignement, etc).

En comparaison, si à l’international, le phénomène des médias sous contrôle et/ou producteurs de fake news prend tout aussi puissamment de l’ampleur, au Maroc, il constitue désormais la norme dominante, tandis que la presse de qualité agissant encore comme contre-pouvoir des institutions est reléguée à la périphérie, marginalisée et rendue quasiment inaudible à la masse du lectorat.  Elle est d’autant mise en échec que ce contexte est caractérisé par l’absence de modèle économique pouvant assurer sa survie et son développement, les rouages de financement des médias au Maroc étant particulièrement opaques et disqualifiant.

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